Patrick Riguelle est ce qu’on appelle un BV, un «bekende vlaming» (flamand connu). Musicien et chanteur de studio pour Dirk Blanchart, BJ Scott, Pierre Rapsat, Adamo, Johnny Hallyday… il a aussi fait partie pendant douze ans des musiciens du talk-show quotidien De Laatste Show, sur la VRT. Une émission culte qui lui a permis d’accompagner Joe Cocker, Tom Jones, Julien Clerc, Carla Bruni, Sting, Patricia Kaas… «Pas mal de mes héros! La première fois qu’Herni Salvador y est venu, j’ai pleuré. Il a quand même joué avec Duke Elington!»
Né à Uccle en 1962 d’un père bruxellois et d’une mère flamande, il a ensuite vécu au Coq à partir de l’âge de six ans. «J’ai eu une drôle de maladie aux poumons et j’ai été transféré au sanatorium du Coq. Et toute la famille a suivi.»
La Côte, il y est resté jusqu’à ses 19 ans. Le temps d’y grandir et d’apprendre la guitare pour draguer les filles. «Mon adolescence, c’est les Clash, les Sex Pistols… Mais mes racines, c’est la chanson française. Mon premier concert, c’était Claude François en 1966 à l’Ancienne Belgique. J’avais quatre ans, mais je m’en souviens. J’ai aussi vu Charles Dumont, Gilbert Bécaud… Mes parents étaient âgés quand je suis né, et j’ai toujours vécu dans une culture musicale archaïque.»
Ce goût pour la chanson française des années 60, on le retrouve sur son premier album solo sous son nom, intitulé Un premier amour. Quatorze chansons en français, composées pour moitié de reprises d’Isabelle Aubret (Un premier amour), Jean Sablonn (Un seul couvert, please James), Daniel Balavoine (Le chanteur), Charles Aznavour (Tu t’laisse aller), Boris Vian (J’suis snob), Louis-Ferdinand Céline (Règlement) ou Joséphine Baker (Ma p’tit’Mimi). «Isabelle Aubret, c’était vraiment mon premier amour. Elle était belle comme tout! Balavoine, c’est un très beau texte. Son chanteur devient un personnage grotesque. C’est un peu célinien. Et puis c’est quelqu’un qui a fait très grande impression sur moi.»
« J’ai grandi dans les bistrots »
L’autre moitié de l’album est composée de textes écrits par Riguelle, dans un style qui rappelle parfois André Bialek. «J’avais peur de ne pas maîtriser au début, mais c’était plus facile que prévu.»
Autre crainte de Riguelle : l’accueil du public flamand. Mais là aussi, ses peurs s’estompent assez vite. «L’un de mes fans, un vieux monsieur vraiment nationaliste, me disait toujours quand il m’entendait chanter en anglais à la télé que je devais chanter dans ma langue natale. Il pensait sans doute que c’était le flamand. Quand je lui ai dit que j’allais faire un album en français, il a compris. Il respecte ça. J’ai toujours eu du mal à écrire en flamand. Je le trouve un peu rigide pour écrire.»
Dans ses textes, il rend hommage à son bistrot préféré de Malines (ville où il vit aujourd’hui). «J’ai grandi dans les bistrots. Mon père était garçon de café, sur la digue, où il y avait des orchestres qui jouaient. J’adore le bistrot. On ne doit pas aller chez le psy quand on va au bistrot. C’est là que l’on rit, mais aussi que l’on raconte ses tristesses.»
Autre titre : Les accros de la pudeur. Une sorte de nouvelle version des Bigotes de Brel. «J’habite face à la cathédrale Saint-Rombaut à Malines. Ce qui m’a inspiré, c’est le retour de la pudeur catholique, que l’on sent plus en Flandre qu’en Wallonie. Cela parle de ça, de ces gens qui vont à la messe tous les soirs à 18het qui me font peur.»
Riguelle – qui travaille déjà sur un second album en français – aimerait jouer en Wallonie, après une tournée en Flandre qui a affiché sold out. «J’aimerais jouer aux Francos, à Namur, à Liège… On verra! J’espère que ça va marcher.»
Riguelle, Un premier amour, Quest 4 records/Bizzzns.